Lettres de la Wehrmacht by Marie Moutier

Auteur:Marie Moutier [Moutier, Marie]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire, Documents, Témoignages
ISBN: 9782262049485
Éditeur: Perrin
Publié: 2014-09-18T04:00:00+00:00

Vienne, le 20 avril 1942

Chère femme et chers enfants !

La connexion est enfin rétablie ; on m’a remis ta lettre ce matin. Son contenu a été une vraie surprise pour moi. Je te remercie pour ces jolies phrases que tu m’as adressées et je vais t’écrire plus souvent et plus en détail selon ton souhait.

Je me suis également réjoui que la compagnie m’ait distingué par l’Infanterie-Sturmabzeiche3. Pour moi c’est la preuve que j’ai toujours rempli mon devoir de soldat. Celui qui porte cet insigne a au moins participé à trois percées dans les lignes ennemies. Il est impossible de s’imaginer ce que c’est quand on n’est pas sur place. Il est salutaire que le temps fasse oublier tous ces moments difficiles et toutes ces horreurs. Cela fait déjà un moment que je suis sorti de cet enfer. Je reviens lentement à la vie et je me sens de nouveau humain.

Hier je me suis promené dans le parc, le soleil brillait et pour la première fois depuis longtemps j’ai ressenti la joie de voir de belles choses autour de moi. Dans l’ensemble je vais bien ; il n’y a rien de nouveau concernant mes blessures. La cicatrisation se poursuit. Si je peux marcher sans douleur les trois éclats resteront à l’intérieur. Mais si la guérison des plaies se fait mal, c’est-à-dire si les blessures m’irritent encore et que je souffre en marchant, on me fera une nouvelle radio pour établir l’emplacement exact des éclats et on les enlèvera. On avait déjà tenté cette procédure à Varsovie mais un seul était parti. Le médecin m’a expliqué que les autres étaient trop en profondeur et qu’il y aurait eu beaucoup de sang et de tissus sectionnés. À Varsovie j’avais de grandes douleurs dans la jambe gauche ; on m’avait alors opéré sur une section de 5 cm dans le mollet. Cela a mis en évidence qu’un abcès de pus s’était formé. Dès le lendemain les souffrances avaient disparu.

Je ne ressens presque aucune douleur quand je suis allongé, seulement quand je marche ou que je bouge le genou. Mes bandages sont changés tous les trois jours par les infirmières. Le médecin et son assistant viennent ausculter les blessures de temps en temps.

Je ne sais toujours pas si je partirai en permission ou si je rejoindrai notre unité. N’aie pas peur, je ne participerai pas à la prochaine offensive. Il faudra d’abord que je fasse le long trajet jusqu’en Russie. Pourquoi devrions-nous avoir de telles pensées maintenant ? Le mauvais temps, l’hiver, tout cela est dernière nous. Mais j’ai réussi à surmonter tout cela. Comme tu peux le constater, j’ai la dent dure. Ma devise est aussi : « Fort comme un Cosaque ! »

Alors, chère femme, haut les cœurs, tout ira bien. Mon moral est parfois comme le temps ; à l’extérieur c’est un joli soleil de printemps, mais dans mon cœur également. Je veux oublier tout cet enfer et la misère de ces derniers mois, je laisse tout cela derrière moi comme un mauvais rêve.

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